jeudi 4 novembre 2010

En attendant le mercredi 10 novembre 2010




Lire la lecture enthousiaste d'Histoire du Christ par Jean-François Rod (président de la Procure) sur le blog de la Procure 30/10 : http://www.blog-laprocure.com/chroniques-de-nos-libraires/giovanni-papini-histoire-du-christ/comment-page-1/#comment-509


et le 5/11 sur You Tube


KTO "L’esprit des lettres" 2’ 54


Histoire du Christ, coup de cœur de Jean-François Rod 5/11http://www.youtube.com/watch?v=q3KumXxSn0I&feature=player_embedded#






En avant-première de la soirée du 10/11/2010 ("Mercredi de la rue Férou"), un extrait de Histoire du Christ de Giovanni Papini, le chapitre I :



I

"Depuis cinq cents ans, ceux qui se proclament « esprits libres » parce qu’ils ont déserté le Combat pour les Prisons, se donnent un mal fou pour assassiner une deuxième fois Jésus. Pour le tuer dans le cœur des hommes.
Dès qu’on eut l’impression que la seconde agonie du Christ en était aux avant-derniers râles, les nécrophores s’avancèrent. Des buffles présomptueux qui avaient pris les bibliothèques pour étables ; des cerveaux aérostatiques qui croyaient toucher le sommet du ciel en montant dans le ballon captif de la philosophie ; des professeurs mis en rut par de funestes cuites de philologie et de métaphysique prirent les armes comme autant de croisés – l’Homme le veut ! – contre la Croix. Certains volières de balivernes montrèrent, clair comme le jour, avec une imagination qui ferait rougir de honte la célèbre Radcliffe, que l’histoire des Évangiles était une légende par laquelle on pouvait tout au plus reconstituer la vie naturelle de Jésus, qui fut pour un tiers prophète, pour un tiers nécromant et pour le dernier tiers agitateur ; et il ne fit point de miracles, à l’exception de la guérison hypnotique de quelques possédés, et il ne mourut pas sur la croix mais se réveilla dans le froid du tombeau et réapparut avec des airs mystérieux pour faire accroire qu’il était ressuscité. D’autres démontraient, comme deux et deux font quatre, que Jésus est un mythe créé aux temps d’Auguste et de Tibère et que tous les Évangiles ne sont en définitive qu’une marqueterie maladroite de textes prophétiques. D’autres représentèrent Jésus comme un aventurier éclectique, qui avait été à l’école des Grecs, des Bouddhistes et des Esséniens et qui avait pétri tant bien que mal ses plagiats per faire accroire qu’il était le Messie d’Israël. D’autres firent de lui un humanitaire maniaque, précurseur de Rousseau et de la divine Démocratie : un homme excellent, pour son époque, mais que l’on confierait de nos jours aux soins d’un aliéniste. D’autres, enfin, pour en finir d’une bonne fois pour toutes, reprirent l’idée du mythe et, à force d’élucubrations et de comparaisons en conclurent que Jésus n’était jamais né nulle part au monde.
Mais qui aurait pris la place du grand Banni ? De jour en jour la fosse se creusait davantage ; pourtant ils ne réussissaient pas à l’y enterrer tout entier.
Et voici qu’une équipe de lampistes et d’équerreurs de l’esprit commence à fabriquer des religions pour la consommation des incroyants. Pendant tout le dix-neuvième siècle ils les débitèrent par couples et demi-douzaines à la fois. La religion de la vérité, de l’esprit, du prolétariat, du héros, de l’humanité, de la patrie, de l’empire, de la raison, de le beauté, de la nature, de la solidarité, de la puissance, de l’acte, de la paix, de la douleur, de la pitié, du moi, de l’avenir et ainsi de suite. Certaines n’étaient que des replâtrages de Christianisme sans Dieu ; la plupart étaient des politiques ou des philosophies qui cherchaient à se transformer en mystiques. Mais les fidèles étaient peu nombreux et l’ardeur bien languissante. Ces abstractions glacées, quoiqu’elles fussent parfois soutenues par des intérêts sociaux ou des passions littéraires, ne comblaient pas les cœurs d’où l’on avait voulu extirper Jésus.
On essaya alors des facsimilés de religions qui possèdent, mieux que les premières, ce que les hommes cherchent dans la religion. Les francs-maçons, les spiritistes, les théosophes, les occultistes, les scientistes crurent qu’ils avaient trouvé le succédané infaillible du Christianisme. Mais ces ragoûts de superstitions moisies et de cabalistique avariée, de singeries symbolistes et d’humanitarisme vinaigré, ces rapiéçages malbâtis de bouddhisme d’exportation et de Christianisme trahi, ne contentèrent que quelques milliers de femmes désœuvrées, de bipedes asellos, de condensateurs de vide et c’est tout.
Entre-temps, entre un presbytère allemand et une chaire suisse, était en train de se préparer le dernier Antéchrist. Jésus, dit-il en descendant des Alpes vers le soleil, a mortifié les hommes ; le péché est beau, la violence est belle, tout ce qui dit oui à la Vie est beau. Et Zarathoustra, après avoir jeté dans la Méditerranée les classiques grecs de Leipzig et les œuvres de Machiavel, commença à sauter comme un cabri au pied de la statue de Dionysos, avec cette légèreté que peut avoir un Allemand né d’un pasteur luthérien et tout juste descendu d’une chaire helvétique. Mais quoique ses chants fussent doux à écouter, il ne réussit jamais à expliquer ce qu’était cette vie adorable à laquelle il faudrait sacrifier cette partie si vivante de l’homme qu’est le besoin de vaincre en soi la bête, ni ne sut dire de quelle manière le vrai Christ des Évangiles s’oppose à la vie, lui qui veut la rendre plus heureuse, lui qui la garantit éternelle. Et le pauvre Antéchrist paralytique, quand il fut proche de la folie, signa sa dernière lettre : le Crucifié".

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