vendredi 27 novembre 2009

Compte rendu de la soirée du mercredi 25 novembre 2009

Nous étions environ cinquante dans la librairie de la rue Férou, venus écouter Gérard Genot et François Livi présenter "Le domaine italien à l’Âge d’Homme : de Dante à Corti". En présence de Vladimir Dimitrijevic. Avec deux traducteurs de l’italien, Andrea Vannicelli et Jean-Marie Debois, qui ont récemment traduit La terre des Guaranis de Corti.
Gérard Genot est professeur émérite de linguistique italienne de l’université Paris X-Nanterre, traducteur, poète, écrivain.
François Livi est professeur de langue et littérature italiennes à l’université Paris IV-Sorbonne, co-directeur de la Revue des études italiennes, président du Centre de recherches Pierre Emmanuel.
Une belle soirée mettant l’accent sur l’importance des traductions publiées à l’Âge d’Homme. Parmi lesquelles, l’extraordinaire et éclairante traduction annotée de la Divine comédie de Dante par François Mégroz ; celles des avant-gardes italiennes (Marinetti) ; celles de Giovanni Papini (2 livres nouveaux préfacés par François Livi – les livres sont à la librairie)…
Eugenio Corti a été tout particulièrement évoqué par Gérard Genot, François Livi et Vladimir Dimitrijevic. L’honnêteté d’inspiration de l’auteur du Cheval rouge, sa capacité à faire parler les protagonistes des siècles passés. Gérard Genot, traducteur du Caton l’Ancien, a témoigné de l’incroyable dextérité de Corti dans les scènes de batailles romaines. « Corti et Volkoff sont des auteurs qui font du bien » (Vladimir Dimitrijevic). On attend deux nouveaux livres de Corti au printemps 2010. On attend aussi un autre livre de Papini, et un livre de François Livi sur l'âme italienne à travers la littérature italienne au printemps 2010.
Les fêtes approchent : nous donnons rendez-vous à nos lecteurs et amis les mercredis 9 et 16 décembre 2009 pour deux soirées exceptionnelles. Le thème : « Beaux et bons livres pour Noël ». Une réduction de – 20 à – 50 % sur l'ensemble des livres.

jeudi 19 novembre 2009

En attendant le 25 novembre 2009. "Le domaine italien à l'Âge d'Homme : de Dante à Corti"


En avant-première, un extrait de la préface de François Livi du livre à paraître de Giovanni Papini, Concerto fantastique (nouvelles) :



Préface
"Giovanni Papini (1881-1956) nouvelliste n’est pas un inconnu en France. Il y a un peu plus de cent ans, le 15 janvier 1907, « La dernière visite du Gentilhomme Malade » paraissait dans La Revue. La même année le Mercure de France publiait, dans sa livraison du 1er novembre 1907, Trois nouvelles de l’écrivain italien, traduites par Claire Luchaire-Dauriac : « Le démon m’a dit » et « Celui qui ne put pas aimer », tirés du Tragique quotidien (1906) et « Deux images dans un bassin », tirée du Pilote aveugle (1907). Dans Le Démon m’a dit… (1923), une anthologie de nouvelles et essais, Paul-Henri Michel propose au lecteur français quatorze nouvelles. Dans sa Préface au Miroir qui fuit (1975), recueil de dix nouvelles, Jorge Luís Borges dit toute son admiration pour l’écrivain florentin. Cependant Concerto fantastique (1954) vient combler une lacune, car il offre pour la première fois au lecteur français la totalité des nouvelles de Papini, que l’auteur lui-même avait rassemblées, deux ans avant sa mort, dans ce fort volume.
Malgré sa boulimie de travail, ou à cause d’elle – les articles qu’il donne à la presse, les livres qu’il publie, les revues qu’il fonde –, le jeune Papini est habité par l’insatisfaction et le doute. Voici la conclusion d’un long épanchement, dans une lettre datée du 4 mai 1906 et adressée à Giuseppe Prezzolini, l’ami fraternel avec lequel il avait fondé à Florence, trois ans plus tôt, la revue Leonardo : « Désormais la faillite dont nous avons parlé est presque complète pour moi. J’ai publié les deux livres qui représentent à la fois la quintessence de mon activité de critique et de mon imagination. Le Crépuscule des dieux n’a pas obtenu le succès d’irritation que j’espérais, et le Tragique quotidien le succès d’admiration que je craignais, désormais j’ai une position reconnue parmi les jeunes auteurs et les enthousiasmes ne manquent pas. Mais je ne suis pas content – je ne suis pas content ! Je veux faire quelque chose, je veux me fabriquer une vie plus héroïque, je veux crier ce que je n’ai pas dit, je veux imposer ce que j’ai à peine esquissé. Que dois-je donc faire ? Que penser ? Où aller ? J’entrevois de possibles découvertes, des voix à éveiller, des coups qui n’ont pas encore été frappés. Mais où ? Mais quand ? Poète ou philosophe ? Magicien ? Ermite ? Suicide ? Je suis dans une forêt : les voix sont infinies : la fleur bleue ou le sort de l’aigle ? »
Après coup on peut sans doute donner une réponse aux questions que le jeune écrivain florentin formulait avec quelque emphase. Plus que le poète et le philosophe, ou le magicien, c’est assurément le narrateur qui a réussi à saisir les « voix infinies » de la forêt. Sans transformer l’œuvre variée et luxuriante de Papini en un jardin à la française, où régneraient l’ordre, l’harmonie et la symétrie, on peut relever que l’écriture de nouvelles et de récits la traverse de part en part, comme une allée royale. Elle l’accompagne pendant soixante ans, depuis la rédaction du « Problème » (1894), la première nouvelle de Papini, jusqu’à ce Concerto fantastique (1954) que le lecteur a actuellement en main.
Souligner l’importance de Papini nouvelliste signifie affranchir l’écrivain toscan des stéréotypes qui voudraient confiner son œuvre dans les quinze premières années du XXe siècle et en limiter la signification aux expériences des avant-gardes. Ce sont les années de Leonardo (1903-1907), revue d’idées dont la variété des intérêts s’inspire de Léonard de Vinci, et de Lacerba (1913-1915), fer de lance de l’avant-garde futuriste dans les domaines littéraire, artistique et politique. Papini a certainement joué avec brio différents rôles : le polémiste, le critique aux redoutables éreintements, le philosophe iconoclaste qui introduit le pragmatisme en Italie, l’intellectuel insatisfait en quête de nouveautés, le lecteur à la curiosité insatiable. Qu’il soit l’une des figures de proue de la culture italienne du début du XXe siècle, personne ne songe à le contester. Mais son parcours d’intellectuel et de narrateur ne s’arrête pas avec la Grande Guerre ni ne connaît un déclin irréversible, comme on a essayé de le faire accroire, après sa conversion au catholicisme, advenue en 1921. Les livres publiés dans les décennies suivantes – entre autres ses nouvelles – témoignent du contraire.
Les innombrables lectures du jeune Papini privilégient le roman ; le Journal 1899-1902 enregistre cependant la lecture de plusieurs auteurs de nouvelles, parmi lesquels Verga, destiné à devenir, avec D’Annunzio, Capuana, Pirandello et Dostoïevski, un auteur de référence pour Papini dans le domaine narratif.
1906-1914 : fantaisies, épanchements, caprices, divertissements
Les quatre premiers recueils de nouvelles de Papini sont solidement ancrés dans la culture du début du XXe siècle. Indissociables de l’itinéraire philosophique de leur auteur et de ses expériences littéraires, ils nouent des liens explicites ou implicites avec d’autres auteurs. Les treize récits du Tragique quotidien (1906) se fondent souvent sur des schémas quelque peu abstraits, reflets, en cela, de la réflexion du jeune antiphilosophe, plus séduit par les concepts et les paradoxes que par les exigences du genre narratif. Le dialogue ou le monologue dominent dans ces textes plus discursifs que narratifs. Mais le talent de Papini se manifeste, dès ce premier recueil, par son élégante reprise, ou renversement, de figures et de situations topiques – Hamlet, Dom Juan, le pacte avec le démon –, par son habileté à créer, avec une économie extrême de moyens, une atmosphère singulière, au seuil de l’insolite et du fantastique". [...]

vendredi 13 novembre 2009

En attendant le 25 novembre 2009. "Le domaine italien à l'Âge d'Homme : de Dante à Corti"




Quelques couvertures de livres à paraître le 25/11 dans le domaine italien.
Lire ci-dessous un extrait de la préface inédite de François Livi.

dimanche 8 novembre 2009

En attendant le 25 novembre 2009. "Le domaine italien à l'Âge d'Homme : de Dante à Corti"

Parmi les nouveautés présentées le mercredi 25 novembre 2009, Un homme fini de Giovani Papini, autobiographie, traduction de Gérard Genot, préface de François Livi.
Pour les lecteurs du blog, un extrait de la préface inédite de François Livi (parution le 23/11/2009) :
Préface
"Est-il décent d’écrire son autobiographie à l’âge de trente ans ? C’est précisément à cet âge, en 1911, que Giovanni Papini commence à rédiger Un homme fini. Achevé en 1912, ce livre singulier paraît à Florence au début de l’année suivante. Rappelons qu’Augustin d’Hippone commence à écrire ses Confessions en 397, à l’âge de quarante-trois ans et qu’en 1809, lorsqu’il s’attelle à ses Mémoires d'outre-tombe, Chateaubriand a tout juste quarante ans. Certes, il n’est pas requis d’avoir franchi les quarantièmes rugissants ou de s’en approcher pour s’adonner à l’écriture du moi, mais on relèvera aisément que dans la vie de Papini avant 1913 il n’y a pas eu d’événement comparable à la conversion retentissante au christianisme, qui marque, en 386, un nouveau départ dans la vie d’Augustin. Et l’on conviendra que la Florence, somme toute paisible, de la fin du XIXe siècle et du début du XXe – où selon Papini, « les élans confus vers une vie héroïque, digne, poétique » sont « bientôt niés et noyés dans la quotidienneté maudite d’une vie réduite, provinciale, étriquée et mortifiante » – est loin d’avoir connu les bouleversements politiques de la France à l’époque de la Révolution et de l’épopée napoléonienne, dont Chateaubriand a été le témoin attentif pour les avoir vécus.
On objectera qu’en 1913 Papini est loin d’être un inconnu. En effet il occupe une place de choix dans la culture italienne du début du XXe siècle et son nom, son œuvre, ont franchi les Alpes. Écrivain iconoclaste, ennemi juré du positivisme, de la culture officielle et académique, polémiste féroce, antiphilosophe refusant les systèmes établis, narrateur, critique, essayiste de talent, Papini a déjà publié plusieurs d’ouvrages – entre autres Le crépuscule des philosophes (1906), Le tragique quotidien (1906), L’autre moitié (1911), Des mots et du sang (1912) – et d’innombrables articles. Peut-on oublier son infatigable activité d’animateur culturel ? Papini fonde avec Giuseppe Prezzolini – à qui est dédié le chapitre « Lui » d’Un homme fini – une importante revue d’idées, Leonardo (1903-1907), plus tard, avec Giovanni Amendola, L’Anima (1911) ; il collabore à La Voce et à bien d’autres revues, participe aux batailles pour ouvrir la culture italienne aux grands courants européens. Aux yeux de la jeune génération, il est l’icône de la modernité.
Faut-il considérer pour autant Un homme fini est-il comme une autobiographie culturelle ? Et si tel était le cas, ce projet peut-il justifier à lui seul le livre ? Sans doute Un homme fini relève-t-il en partie de ce genre, mais ses enjeux et les ambitions de Papini vont bien au-delà. On ne saurait, autrement, d’expliquer le succès de ce livre qui a été tenu, à juste titre, pour le miroir d’une génération.

Papini commence par bousculer les bonnes habitudes de l’écriture autobiographique. Un homme fini est organisé comme une symphonie, comportant six mouvements, au lieu des quatre traditionnels (Symphonie intérieure en quatre temps était d’ailleurs l’une des formules auxquelles Papini avait songé pour définir ce livre) : andante, appassionato, tempestoso, solenne, lentissimo, allegretto. Les cinquante chapitres, de longueur variable, sont distribués harmonieusement dans les six sections du livre : cinq d’entre elles en comportent sept, tandis que lentissimo en a quinze. Que littérature et musique aient partie liée, ne saurait étonner, surtout à une époque où le rêve wagnérien d’une « œuvre d’art totale » ne s’est pas encore estompé. Mais la plupart des titres des chapitres sont, pour rester dans le domaine musical, asémantiques : ils ne donnent aucune indication précise au lecteur, à qui il reviendra d’en saisir la signification et la cohérence lorsqu’il aura compris la logique et les leitmotive de cette étrange symphonie. D’ailleurs celle-ci ne suit que de façon allusive la diachronie, puisqu’elle privilégie une histoire qui se joue des dates.
Le lecteur ne trouvera pas dans Un homme fini de repères chronologiques précis. Des dates, il n’y en a que trois dans tout le livre : celle de la parution du premier numéro de la revue Leonardo : « C’était le quatre janvier 1903 » note Papini ; et, dans l’un des derniers chapitres du livre, « Retour à la terre », celle de sa date de naissance : l’auteur est « un homme né en Toscane en 1881 ». Étrange affirmation, dont nous verrons plus loin la signification. Aussitôt après, l’indication que l’auteur est en train d’écrire ce passage en 1912. Quant au début du premier chapitre, « Un demi-portrait », rien de plus éloigné d’un hypothétique « je suis né… ». Qu’on en juge sur pièce : « Je n’ai jamais été enfant. Je n’ai pas eu d’enfance. Chaudes et blondes journées d’ivresse enfantine ; longues sérénités de l’innocence ; surprises de la découverte quotidienne de l’univers : que sont-elles donc ? Je ne les connais pas ou ne m’en souviens pas. Je les ai apprises par les livres, après ; je les devine, maintenant, chez les enfants que je vois ; je les ai ressenties et éprouvées pour la première fois en moi, mes vingt ans révolus, pendant quelques heureux instants d’armistice ou d’abandon. L’enfance est amour, elle est joie, elle est insouciance et moi je me vois dans le passé, toujours, séparé, triste, méditant. »
Coquetterie ? Autocompassion ? Provocation ? Sans doute. En réalité, une logique profonde sous-tend ces affirmations. « Je n’ai pas eu d’enfance » : l’enfance est synonyme de dépendance, d’abord de ses parents. Papini ferait-il sienne l’exclamation « Familles ! je vous hais !… » de Gide ? Point n’est besoin d’aller si loin. Mais pour l’homme qui aspire à devenir un surhomme, sinon Dieu lui-même – telle est l’ambition d’Un homme fini – il convient de fonder son ambition de grandeur sur une sorte d’autosuffisance absolue, sur une naissance à soi par soi-même. De ce fait le narrateur assigne à son père le rôle, somme toute modeste, de l’avoir initié indirectement au monde des livres et à cet autre grand livre qu’est la nature, en l’occurrence le paysage toscan.
La véritable naissance sera donc, pour Papini, la naissance à la lecture ; la prime enfance en est de ce fait exclue : Papini enfant naît au moment où la lecture lui permet de pénétrer dans le monde des livres, des idées, de la littérature. La naissance biologique n’a que fort peu d’importance ; les années de l’enfance qui précèdent l’accès à la lecture baignent dans l’insignifiance. Les dates peuvent donc être allégrement omises, dès lors qu’elles baliseraient le néant : « le vert paradis des amours enfantines » n’existe pas et Papini n’a aucunement l’intention de céder aux charmes de cet éden fictif. Tout au plus le narrateur peut-il s’apitoyer de loin en loin sur son moi en inventant, par l’écriture, des images d’un monde oublié parce que sans intérêt. S’il faut à tout prix évoquer l’enfance et l’adolescence, c’est essentiellement par l’accès aux livres – d’abord ceux de la petite bibliothèque paternelle, puis ceux des bibliothèques de la ville – que Papini le fera. La croissance de l’enfant et de l’adolescent est mesurée à l’aune de ses progrès dans la fréquentation de ce monde. Tel est le but du deuxième chapitre, « Une centaine de livres », et du troisième, « Un million de livres ».
Les émois de jeune Papini adolescent sont provoqués par les livres, par le désir d’être admis, alors que son âge ne le lui permet pas, dans les grandes bibliothèques, où il pourra emprunter librement et gratuitement des ouvrages. La bibliothèque est à la fois le paradis et le lieu interdit, dont un ange maléfique défend l’entrée : « Il y avait pourtant une difficulté : pour entrer dans ces paradis il fallait avoir au moins seize ans. J’en avais douze ou treize, mais j’étais presque trop grand pour mon âge. Un matin de juillet, je tentai ma chance. Je gravis un perron, qui me parut large et solennel, tout tremblant. Après deux ou trois minutes d’hésitation, le cœur battant la chamade, je me faufilai dans le bureau des communications, remplis tant bien que mal ma fiche et la présentai avec l’air embarrassé et méfiant de qui se sait en faute. L’employé – je me le rappelle encore, maudit soit-il : un nabot avec une grosse bedaine, deux yeux bleu pâle de poisson mort et un pli malveillant à la commissure des lèvres – me toisa d’un air de commisération et, de son odieuse voix traînante me demanda : “Excusez-moi, mais quel âge avez-vous ?” Je rougis plus de colère que de honte et répondis, me vieillissant de trois ans : “Quinze ans.” “Ce n’est pas assez. Je regrette. Lisez le règlement. Revenez dans un an”. » (« Un million de livres »)
... à suivre

vendredi 6 novembre 2009

En attendant le 25 novembre 2009. "Le domaine italien à l'Âge d'Homme : de Dante à Corti"

Le prochain « mercredi de la rue Férou » aurat lieu le 25 novembre 2009 (18h-20h)
Le thème : « Le domaine italien à L’Âge d’Homme : de Dante à Corti »
Les invités : Pr Gérard Genot et Pr François Livi, directeurs de la collection italienne.
En présence de Vladimir Dimitrijevic

Présentation de la collection, de la Revue des Études italiennes, des classiques et des nouveautés (Giovanni Papini)...